FLEXITARISME


J'étais enfant.
Quand notre maître d'école pour la première fois, aborda le sujet des animaux de la ferme et du traitement réel qu'on leur infligeait, loin de cette vision paradisiaque apprise petit.
Pour moi, à cette époque, si entière, ce fut un choc.
Des cochons sanglés, des oies gavées, des tortures infligées aux bêtes pour que leur chair soit plus "rentable"... Il nous détailla tout, images à l'appui.
Je suis rentrée à la maison et j'ai annoncé à mes parents qu'à partir de ce jour, je ne mangerai plus de viande. Seulement de la viande des animaux chassés, ai je précisée avec candeur. Parce que la bête aura vécu sa vie d'animal libre et qu'elle aura eu sa "chance".
Mes parents ont ri. Mais une fois à table, ils ont compris que j'étais très sérieuse.
J'ai tenu une dizaine d'années.
Le plus difficile étant le regard des autres et la gêne que mon régime alimentaire (vécu comme un "caprice"), engendrait chez mes parents lorsque nous étions invités à l'extérieur.
J'ai subi les remarques pas toujours sympas des autres avec la sensibilité qui me caractérise.
Et peu à peu, je sentais que ça devenait difficile pour moi, parce que ça me plaçait inévitablement comme sujet de conversation.
Et non, je n'avais pas la force mentale pour le supporter stoïquement.

Alors, j'ai commencé à faire des compromis.
J'ai toléré le poisson, de temps en temps.
Et quand je rencontrais des gens nouveaux, j'acceptais de manger de la volaille.
En devenant étudiante, j'ai cédé à la facilité, évitant au maximum de manger de la viande, mais sans en parler. Comme un secret inavouable... Et je cédais malgré mes convictions, dans un soucis de socialisation.

Et puis, j'ai rencontré mon mari.
Je nous revois, notre premier restaurant en tête à tête...
Face à lui, son tartare de boeuf. Face à moi ma salade de fromage de chèvre...
Mon mari n'aime pas le fromage.
Depuis des années, (la moitié de ma vie à l'époque), je ne voulais plus manger de viande...
"ça va être très difficile", me suis-je dit en moi-même.

Et effectivement, mon mari apprécie tout particulièrement la viande saignante et la charcuterie.
Et moi, je consomme beaucoup de produits laitiers.

Alors, nous nous sommes ajustés l'un à l'autre, nous avons fait des compromis.
Ou, plutôt, j'ai décidé dans un premier temps, de reprendre un régime alimentaire classique, et de moduler en douceur.

Aujourd'hui, douze ans après, nous sommes devenus flexitariens.

C'est à dire, que chez nous, nous évitons autant que possible de manger de la viande et si c'est le cas, sous certaines conditions à savoir pas n'importe quelle viande: de la viande d'animaux français, élevés dans les conditions BIO, ou élevés par un éleveur qui nous garantisse de la qualité des soins apportés à ses bêtes.
Nous en achetons en petite quantité, d'abord parce que c'est cher, et c'est très bien que ce le soit, ce n'est pas n'importe quoi: c'est la chair d'êtres vivants, tués pour nous nourrir. Ensuite parce qu'en manger trop est mauvais pour la santé.

Cependant, nous sommes flexibles, c'est à dire que nous tolérons de manger de la viande dont nous ne connaissons pas l'origine, à l'extérieur, comme chez des amis, en famille, au restaurant.

Notre régime alimentaire est un juste équilibre entre nos convictions, notre soucis de respecter la VIE, sous toutes ses formes, et la réalité de notre nature humaine.

Mon mari m'a convaincue de cela. Nous sommes des omnivores. Nous mangeons aussi de la chair animale depuis des siècles, parce que nous en avons besoin.
En tant que médecin, il a vite compris l’intérêt de ne pas en manger en quantité importante.
Peu à peu, il a réduit sa consommation. Et nous nous retrouvons maintenant à manger de la même façon.
De mon côté, je l'ai convaincu de ne plus manger de chair de bébés animaux comme le veau ou l'agneau et de faire très attention à ne pas acheter de viande issus d'animaux élevés en batteries.

Lorsque je cuisine la viande, je me force à penser à l'animal que cela a du être, à sa beauté, et je le remercie en moi-même pour sa chair qui va nourrir ma famille.
Je cuisine toujours avec émotion. Toujours.
Et à mes enfants, je leur parle de ce qu'ils mangent.
- Qu'est ce que c'est? 
- De la viande maman.
-Oui. Mais quoi exactement?
- Du poulet?
- C'est ça. C'est une volaille comme la poule, qui mange des graines et qui a des plumes...

Je trouve qu'il est important de parler à nos enfants de ce qu'ils mangent quotidiennement, de leur faire  prendre conscience du contenu de leur assiette. Et que la viande, ce n'est pas juste un truc rouge ou rose, dans un cellophane, mais que c'est une partie d'un animal. Que nous en mangeons, comme l'oiseau mange parfois les escargots, ou le lion l'antilope, mais que nous ne devons pas trop en manger, par soucis de santé et par respect pour la vie.

Concrètement,  chez moi, nous ne mangeons pas de viande le matin et le soir, ni à chaque repas du midi. Mais, je cuisine toutes les semaines, au moins une viande blanche, une viande rouge et un poisson.

Je privilégie toujours la qualité à la quantité.

Personnellement, je n'en mange quasiment pas, mais il me semble important d'offrir à mes enfants un régime alimentaire diversifié.



Et je ne crois plus que le végétarisme soit LA solution.
Je crois même qu'une humanité entièrement végétarienne risque de créer un déséquilibre.
Pour compenser, nous aurions besoin de manger davantage de lait, de céréales, de légumes, et nous entrerions en concurrence avec les animaux végétariens. Nous épuiserions la terre...
Je crois que la fin d'un régime alimentaire omnivore chez l'homme signerait la disparition de multiples espèces animales sur terre.
Je crois que le problème, ce n'est pas le fait d'avoir à tuer et manger des êtres vivants, car à vrai dire, tout est VIE.
Je crois que le problème est la surproduction, le gâchis alimentaire, la surconsommation de viande, et les traitements cruels et déshumanisants que nous infligeons aux animaux sous prétexte que nous les élevons pour les manger...

Dernièrement, j'ai été très émue, car de manière générale, je suis discrète sur le sujet.
Je ne revendique pas mon régime alimentaire comme étant le meilleur.
Je n'expose pas mes arguments, parce que je pense que chacun agit en son âme et conscience, et puis, des années de critiques essuyées sur le sujet, m'ont fait comprendre que l'être humain n'était pas encore prêt, et que face à des gens mourant de faim, toutes mes bonnes paroles vis à vis des animaux partaient en miettes.

Et oui, j'ai été émue, car mon mari m'a offert le livre de Matthieu Ricard, "Plaidoyer pour les animaux", sans que je ne lui en parle, m'avouant être heureux d'avoir adopté notre régime flexitarien...
Et je sais qu'il parle beaucoup de réduire leur consommation de viande à ses patients...
Ce sont de petits pas...Mais des pas quand même et qui me font chaud au coeur.

Et qui sait?
Peut-être allez-vous, à la lecture de mon post, vous découvrir vous aussi flexitariens sans le savoir? :)

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