L'ACCOUCHEMENT 2/ POURQUOI EST-CE SI DUR D'ETRE UNE FEMME?
« Le masculin l’emporte sur le féminin, répétez après
moi ! Quand il y a pluriel, le masculin l’emporte sur le
féminin ! »
Je sais... C’est idiot. Mais c’est ce à quoi je pensais, tandis qu’immergé dans
l’eau chaude de ma baignoire, mon corps était parcouru de douleurs de plus en
plus intenses.
Le travail avait commencé depuis six bonnes heures. Après avoir
marché des heures durant dans notre appartement, (je finissais par connaître le
carrelage de la cuisine par cœur…), j’avais voulu prendre un bain. Seule.
J’adore mon mari, mais à cet instant précis, je n’aimais plus beaucoup de
monde… Personne à vrai dire.
Le masculin l’emporte sur le féminin… Voilà ce qu’on nous apprenait à l’école.
Et
moi, je ne comprenais pas!
- Mais pourquoi maîtresse ? (Oui. Pourquoi ?)
-Parce que c’est la règle. Voilà tout.
La règle.
Ce jour-là, pour la première fois de ma vie, je prenais
conscience qu’il existait des inégalités de genres. Et que j’étais dans le
mauvais camp. Celui qui ne compte pas. Il suffit d’un homme, pour que « le
masculin l’emporte sur le féminin ». Un seul… Foutue domination
masculine ! On nous conditionne à accepter cette vision du monde. Pas
parce que c’est logique, ou réel.
Parce que c’est la règle.
Et tandis que la douleur augmentait en intensité et en
fréquence, je sentais la colère me gagner progressivement et me submerger.
Pourquoi ?!
Pourquoi est-ce si dur d’être une femme ?!
Bon sang ! Cette douleur ne va jamais s’arrêter ?!
Là je faisais moins ma maligne…
Ces derniers jours, je me
plaignais d’insomnies, une sage-femme m’avait donné une explication qui, ma
fois, me convenait « votre organisme se prépare aux nuits difficiles avec
votre bébé, et s’habitue déjà à la fatigue qui sera inévitable ».
D’accord. Fini les grasses matinées, ça je l’avais bien compris.
Mais cette douleur !... Cette douleur par vagues...
Lentes d’abord.
C’est l’échauffement.
De plus en plus intenses, ensuite…
Et surtout avec des
« creux » de plus en plus brefs…
La colère est dévastatrice…
Avec elle, je n’ai plus du tout
géré ma douleur. J’ai perdu le contrôle.
Avec elle, j’ai senti mon amour se transformer en haine.
Envers moi, envers mon bébé, envers mon mari.
Au secours !
Je me noyais…
Même une fois, arrivée à la maternité…
Mon pauvre mari était en panique. Où
était passé sa femme? Qui était cette hystérique ?
La péridurale m’a sauvée.
Epuisée, je me suis endormie. Et
oui… On peut même dormir ! J’ai récupéré. Mon bébé restait dans sa poche.
Tout allait bien.
J’ai retrouvé mes forces pour le deuxième round.
Cette
fois-ci pas question de me laisser envahir par des pensées négatives !
Fini les émotions destructrices !
Qu’est ce qui m’a motivé ?
D’être entourée de professionnels calmes et patients.
D’être ramenée à mon bébé.
Je ne souffrais pas pour rien.
Je souffrais pour elle.
Pour
qu’elle vive.
Mais pour cela, nous avions elle et moi encore du chemin. Elle
allait devoir se frayer un passage et j’allais devoir l’y aider.
La douleur est
revenue, insupportable.
Mais je l’ai supportée.
Cette fois-ci, oui.
Parce que je ne pensais plus qu’à elle.
Et quand j’ai de
nouveau senti la douleur gagner du
terrain dans ma tête, la sage-femme, douce, patiente et empathique, a tout de
suite compris.
Elle m’a pris la main pour me faire toucher la tête de ma fille.
« Courage ! Elle est là ! »
Ce fut une naissance magnifique.
La sage-femme a pris le
temps de nous guider, ma fille et moi, en douceur, sans déchirure, sans urgence
vitale. Et une fois les épaules dehors, j’ai pris mon bébé sous les bras et l’ai
sortie complètement pour la poser sur mon cœur.
Nos deux cœurs battaient à l’unisson.
Nous avions gagné !
Pourquoi est-ce si dur d’être une femme ?
Pour vivre activement des moments forts comme celui-là !
Instant hors du temps, où le féminin prend toute sa place,
crie, hurle sa raison d’être.
Nous donnons la vie.
Don d’amour absolu.
Cet enfant, nourri de mon sang, accueilli dans ma chair, désiré,
attendu, objet d’ambivalence et d’inquiétude,
Cet enfant, je le rencontrais enfin !
Bienvenue mon bébé :)
Illustration: Statue " Le Crépuscule" René Letourneur
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